vendredi 6 mai 2011

Et pourquoi pas un don en nature....?

C'est le temps de faire le ménage du printemps ! Vous venez de dépoussièrer une oeuvre d'art qui dormait dans votre grenier depuis belle lurette et vous viens l'idée d'en faire don à votre Fondation préférée.

Pourquoi pas ! Seulement, un don en nature (tout don autre qu'en argent) n'est pas si simple qu'il en a l'air et pour le don d'une oeuvre d'art, les règles fiscales ne sont pas du tout les mêmes au Québec et au fédéral.  

Règle générale pour un don en nature, le montant pouvant figurer sur le reçu du donateur sera la juste valeur marchande du bien au moment du don. En principe, tous les biens donnés à un OBE doivent faire l'objet d'une évaluation indépendante. Toutefois, si la valeur du bien est égale ou inférieure à 1 000 $, les autorités fiscales acceptent que le bien donné soit évalué par un employé compétent de l'organisme.

Dans la majorité des cas, si un particulier donne une oeuvre d'art, il est réputé avoir disposé de son bien pour une somme égale à sa JVM ce qui entrainera un gain en capital égal à la différence entre le prix payé et cette valeur marchande. La moitié de ce gain sera imposable.  Sauf s'il n'a pas été acquis avec l'intention d'en tirer un profit et si son produit est égal ou inférieur à 1 000$, il ne sera pas imposable.  Il n'y aura pas de gain capital imposable également si ce bien est qualifié de bien culturel certifié. (Certaines conditions s'appliquent et il devra être donné à un établissement désigné par le Ministre du Patrimoine canadien)


De plus, lorsqu'un don en nature est effectué alors que le particulier le détenait depuis moins de trois ans ou qu'il l'avait acquis dans l'intention d'en faire don, le montant du don sera égal au moindre des deux, au coût pour le donateur ou à la JVM du bien donné.

En 1995, le gouvernement provincial a adopté une règle supplémentaire pour les oeuvres d'art. Un OBE ne peut émettre un reçu pour don de charité pour les fins fiscales lors de la réception du don mais seulement lorsqu'il le vendra.  Le montant du reçu sera le moindre des deux, le prix de revente ou la juste valeur marchande. L'OBE a de plus l'obligation de le vendre avant le 31 décembre de la cinquième année suivant le don.  A défaut de respecter ces règles, aucun reçu ne pourra être émis.

Au Québec, les règles concernant le don d'oeuvre d'art sont plus complexes et les donateurs peuvent être déçus de ne pouvoir réclamer des crédits d'impôts aux deux paliers de gouvernement dans l'année du don.
Si vous recevez votre reçu pour don après avoir transmis votre déclaration d'impôt,  vous pourriez obtenir le crédit pour l'année de votre don en procédant par amendement à l'aide d'un formulaire prescrit.

Il existe des exceptions à la règle reproduites ci-après:

Cette mesure ne s'applique pas aux dons suivants:
* le don d'une oeuvre d'art au gouvernement du Canada ou à celui d'une province ou à une municipalité canadienne;
* un don fait avant le 30 juin 2006 à un organisme artistique reconnu par le ministère du Revenu du Québec;
* un don à un organisme qui a acquis l'oeuvre d'art dans le cadre de sa mission prèmière.
* à une institution muséale québécoise.

Pas simple le don en nature.... mais possible lorsque l'on en connaît toutes règles...


Me Claudia Côté, B.A., LL.L
Avocate et conseillère juridique
claudiaccote@outlook.com



jeudi 5 mai 2011

Un testament en marge d'un livret de Sodoku.. !

Dans l'affaire Aubé (Succession d') c. St-Amand, l'appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure qui a fait droit à une requête en vérification de testament des intimées. 

Ce testament consistait en quelques annotations manuscrites en marge d'un livret de Sodoku. Il n'était pas daté et n'était  pas signé par la testatrice, mère des parties. 

En s'appuyant sur l'article 714 du Code civil du Québec et du témoignage d'une infirmière qui avait recueilli le livret en question à la demande de la testatrice, le juge de première instance a estimé être en mesure de traiter le document comme un testament olographe et de statuer que ce testament représentait ses dernières volontés.

L'appelant interjette appel et soutient que l'absence de signature était fatale frappant de nullité ce prétendu testament olographe.

Examinons les principes de bases.  Un testament olographe ne fait pas preuve par lui-même (art. 2828 C.c.Q.). Celui qui veut s'en prévaloir doit prouver son origine et sa régularité devant le tribunal.  Lorsque la vérification du testament est prononcée, ce testament devient public et exécutable.  À l'étape de la vérification, seule la forme du testament devrait être en cause.

L'article 713 C.c.Q. rappelle l'importance du respect de la forme en matière testamentaire, il stipule :

    713. Les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis doivent être observées, à peine de      nullité.  Néanmoins, le testament fait sous une forme donnée et qui ne satisfait pas aux exigences de cette forme vaut comme testament fait sous une autre forme, s'il en respecte les conditions de validité.

Et, 714 C.c.Q. tempère en stipulant :

     714. Le testament olographe ou devant témoins qui ne satisfait pas pleinement aux conditions requises par sa forme vaut néanmoins s'il y satisfait pour l'essentiel et s'il contient de façon certaine et non équivoque les denières volontés du défunt.

Et, 726 édicte les conditions auxquelles doit se conformer tout testament olographe :

    726. Le testament olographe doit être entièrement écrit par le testateur et signé par lui, autrement que par un moyen technique.  Il n'est pas assujetti à aucune autre forme.

En adoptant l'article 714 C.c.Q., le législateur a atténué la rigueur du formalisme en matière testamentaire.  Cet article, de droit nouveau lors de l'adoption du Code civil du Québec a pour objectif de faire prévaloir les denières volontés d'un testateur sur les exigences de forme qui régissent les testaments.

A quelques reprises la Cour d'appel s'est penchée sur des questions similaires et a dû concilier les exigences des articles 713, 714 et 726 C.c.Q. 

En l'espèce, la Cour renverse le jugement de première instance :

" Le juge de premère instance a voulu pallier l'absence complète de signature par une mention écrite d'une infirmìère dans un dossier médical, complétée par un court témoignage recueilli par téléphone.  On ne peut substituer à la signature un tel témoignage, car il peu avoir la valeur probante nécessaire pour transformer des notes manuscrites en marge d'une livre de Sodoku en un testament olographe régulier en sa forme"

L'absence de signature était ici fatale... le testament n'aurait pas dû être vérifié et les intentions de la testatrice ainsi que le contenu du document devenaient sans objet au stade de la vérification.

Un testament en marge d'un livret de Sodoku... oui, peut-être... encore faut-il le signé ...!


Me Claudia Côté, B.A, LL.L.
Avocate et conseillère juridique
claudiaccote@outlook.com