vendredi 17 juin 2011

Demande d'indemnisation auprès du Curateur public pour avoir manqué à ses devoirs de liquidateur

Dans l'affaire de la Succession Provencher (Cour supérieur, 500-17-028464-058, 30 avril 2009), l'Honorable juge Borenstein, J.C.S. devait trancher sur le recours intenté par les demandeurs contre le Curateur public pour des sommes qui auraient dû être distribuées aux ayants droit de la succession.

Feu Raymond Eudore Provencher est décédé le 6 octobre 1964, ab intestat (sans testament).  Norah Roberts du Sherbrooke Trust dresse un bilan de la succession concluant à un déficit de 57 654,80$.

En juillet 1966, Norah Roberts transfère le dossier de la succession au défendeur, le Sous-ministre du revenu du Québec agissant aux droits du Curateur public du Québec.

Entre septembre 1966 et mai 1967, le défendeur informe, par écrit, plusieurs parties intéressées que la succession est déficitaire.

En 1979, le Curateur public sait que la succession est maintenant excédentaire mais n'en avise pas les héritiers et les créanciers. Le dossier sera fermé en 1994 et le Curateur public transfert  la somme de        467 607,43 $ au ministère des Finances sans qu'aucun créancier ni héritier ne soit payé ni appelé.

En 2000, une compagnie spécialisée dans la recherche de successions non réclamées et de leurs héritiers contacte certains héritiers pour les informer qu'il se pourrait qu'ils aient des droits dans la succession.  Une demande a été acheminée au Curateur public par cette compagnie afin d'obtenir une copie du  dossier; demande qui fut dans un premier temps refusée au motif que tout recours des héritiers était  prescrit. 

Après avoir finalement réussi à obtenir le dossier et découvrir le traitement fautif, les demandeurs intentent, en novembre 2005, le  recours contre le défendeur. Ils réclament des dommages correspondant à la somme du reliquat de la succession plus intérêts et indemnité additionnelle. En défense, le Curateur allèguera la prescription du recours. 

Sur la prescription, le Tribunal conclut que les demandeurs ne pouvaient pas intenter de procédure avant de découvrir les actes qu'ils allèguent être fautifs, commis par le défendeur. Le défendeur n'avait  fait aucune démarche pour aviser les successibles malgré le fait qu'il savait que les successibles n'avaient pas réclamé cette succession qu'ils croyaient déficitaire.   La Cour rappelle le jugement de la Cour suprême dans Oznaga c. Société d'exploitation des loteries [1981} 2 R.C.S. 113 : "...l'ignorance des faits juridiques générateurs de son droit, lorsque cette ignorance résulte d'une faute du débiteur, est une impossibilité en fait d'agir prévue à l'article 2232 C.C.B.-C. (aujourd'hui art. 2904 C.c.Q.)

En deuxième argument, le défendeur allègue que la demanderesse, Angela Provencher, épouse du défunt, est devenue une simple créancière en signant une preuve de créance quant à la donation à cause de mort faite dans le contrat de mariage et ce, bien qu'elle n'ait jamais renoncé formellement à la succession.

Le Tribunal rejette cette proposition et rappelle que la renonciation à une succcession ne se présume pas; elle se fait par acte devant notaire ou par une déclaration judiciaire.  Elle n'avait pas réclamé la succession qu'elle croyait déficitaire. Elle a donc le droit d'opter.

Et, sur le fond du litige, à savoir si le Curateur public a commis une faute, le Tribunal en vient à la conclusion que ce dernier a fait preuve de négligence dans l'administration de la succession et qu'il s'est placé en position de conflit d'intérêts puisqu'il se versait des honoraires toujours plus substantiels à même l'accroissement de l'actif.  Le tribunal rappelle que le défendeur a refusé de remettre le dossier aux demandeurs, puis une fois mis devant l'évidence de ses devoirs en tant que liquidateur, a refusé de réparer sa faute. 

Dans son jugement, la juge Borenstein cite un extrait du témoignage de la personne à l'emploi du Curateur public à qui l'administration du dossier avait été confié en 1979. (noté que le Curateur avait ce dossier depuis 1966) : "J'avais mandat de liquider la succession et payer les créanciers. Ça ne m'importait pas s'il y avait des héritiers connus.  Les héritiers n'étaient pas des créanciers."

En conclusion, la Cour est d'avis que le Curateur public n'a pas agi en administrateur prudent, diligent, honnête et loyal.  Le Tribunal accueille la requête, ordonne le partage des sommes perçues par le Curateur et le condamne aux dépens.

Dans un autre jugement sur le quantum des dommages, le défendeur sera condamné à verser aux demandeurs la somme de 467 607,43 plus l'intérêt composé mensuellement au taux légal et indemnité additionnelle depuis le 2 septembre 1994 le tout calculé selon un rapport d'expert produit ainsi que tous les dépens incluant les fais d'expertise.


Me Claudia Côté, B.A., LL.L.
Avocate et conseillère juridique
claudiaccote@outlook.com

mercredi 15 juin 2011

Testament biologique (ou de fin de vie) et euthanasie

Suivant un article que j'ai publié dans mon blog sur la portée légale du testament biologique, un ami  (facebook) James Arthur a soulevé quelques points forts pertinents qui méritent réflexions.  Je n'ai pas la prétention de répondre ici aux questions complexes liées au droit à l'euthanasie (des centaines de spécialistes du droit, du milieu médical, philosophes, sociologues, etc. l'on fait et ce débat est loin d'être terminé).  Seulement, ses réflexions sur le testament biologique vs l'euthanasie m'ont amenées à réfléchir un peu plus loin que sa simple portée légale.

Comme James Arthur, il y a peut être lieu de s'interroger sur la promotion du testament biologique (ou de fin de vie).  D'où provient-elle ? Du mouvement du "Mourir dans la dignité"? Probablement.

Ce testament biologique est-il aussi utile qu'on le laisse croire?   Quels sont les véritables enjeux à la promotion du testament biologique ? Promouvoir l'euthanasie par la bande ? Quels sont ses dangers ? 

Depuis les trois dernières années, je n'ai jamais eu autant de demandes sur le sujet. Les gens (très âgées la plupart du temps) sont préoccupés par cette question et ce, avant même de se préoccuper de leur testament légal ou de leur mandat en prévison de l'inaptitude.  Ces gens, souvent vulnérables,  semblent croire que le milieu médical expérimentera sur eux d'atroces traitements à défaut de signer un testament biologique mentionnant un refus aux acharnements thérapeutiques advenant leur incapacité.

A la base, le principe du testament biologique est de manifester clairement sa volonté en ce qui concerne l'acharnement thérapeutique.  Mais pourquoi pas l'inverse, tel que soulevé par M.James Arthur.  Pourquoi le testament biologique n'exprimerait pas un consentement à tout traitement disponible et ce, nonobstant le pourcentage et statistiques sur les chances de réussite et/ou qualité de vie qui pourrait en résulter.

Quels sont donc les principes légaux dans notre droit civil concernant le consentement aux soins et traitements ? Notre Code civil du Québec oblige le médecin à obtenir le consentement du patient aux soins, si ces soins sont inusités, seraient inutiles ou comporteraient des conséquences intolérables.  En cas d'incapacité du patient à donner un consentement valable, le médecin doit se tourner vers ses premiers répondants  (parents).  En réalité, est-il autrement ? Les médecins devant le peu d'espoir face à un patient dans un état végétatif dont les traitements seraient inutiles se tournent-ils pas plutôt vers la famille pour obtenir un consentement pour l'arrêt d'intervention ?  Mon expérience personnelle m'a permise de constater plutôt ce fait.

Si le testament biologique n'était que pour éclairer les proches dans ces situations inespérées, pour permettre dans le cas précis  le débranchement par exemple d'appareils qui maintiendraient artificiellement en vie une personne sans espoir qu'elle quitte cet état végétatif, à mon avis, le testament biologique est bienvenu.. Nous pouvons constater cependant que les modèles offerts pour ce "testament biologique (ou de fin de vie)»"  inclus de plus en plus des clause plutôt du genre euthanasie.

Je suis d'accord avec la professeure Danielle Blondeau, diplômée au doctorat en philosophie et spécialiste de bioéthique, lorsqu'elle affirme (devant le Comité sénatorial spécial, sur l'euthanasie) que le droit de mourir dans la dignité serait le processus de laisser la mort s'installer et suivre son cours tout en contrôlant les souffrances du malade.  Différent, dira-t-elle, du droit à la mort qui ouvre la porte à une intervention visant à faire délibérément mourir.  Toujours selon Danielle Blondeau, la frontière étant si mince entre l'euthanasie et l'aide au suicide qu'il existerait des dangers de dérapage. Cette position est également soutenue par le Barreau de Québec. 

Je réitère mes recommandations sur la prudence dans la rédaction des clauses dites de "volontés de fin de vie" et de s'assurer de bien en comprendre leur portée, les revoir régulièrement et y réfléchir si elles conviennent toujours.  J'ai vu des gens en fin de vie, être prêts à tout essayer et de continuer de croire en la vie  jusqu'à la toute fin et ce, contrairement à ce qu'ils auraient pu exprimer à un autre moment de leur vie alors en pleine santé et en contrôle.


Me Claudia Côté, B.A., LL.L.
Directrice générale
Fondation de l'Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal
et Directrice, Programme des dons planifiés
ccote@osj.qc.ca
www.saint-joseph.org

mardi 14 juin 2011

Comment bénéficier d'avantages fiscaux de son vivant en faisant un don différé?

Peu de gens savent qu'il est possible de désigner un organisme de bienfaisance comme bénéficiaire du capital décès d'une police d'assurance vie. C'est un moyen simple et flexible de faire un don important à un organisme qui nous tient à coeur moyennant une mise de fonds assez modeste.

De plus, ce geste philanthropique significatif peut contribuer à réduire vos impôts actuels ou ceux qui seront exigés à votre succession après votre décès.

Le don d'une police d'assurance vie peut prendre différentes formes

Première situation
  • Vous avez acquis une police d'assurance vie dont le capital-décès est payable au dernier décès     (conjoint ou conjointe).
  • Vous cédez par la suite cette police à une Fondation de bienfaisance afin qu'elle devienne propriétaire et bénéficiaire.
  • Annuellement, vous faites un don à la Fondation pour un montant équivalent à la prime ou vous payez directement la prime à l'assureur. Vous recevrez un reçu pour don  pour les fins fiscales du montant de la prime qui vous permettra de réduire vos impôts à chaque année (ou l'utiliser au cours des cinq (5) années à venir).
  • Au dernier décès, la Fondation recevra le capital-décès. 

Deuxième situation
  • Vous pouvez également choisir de céder le capital -décès d'une police entièrement libérée à une Fondation afin qu'elle devienne propriétaire et bénéficiaire.
  • Vous obtiendrez un reçu pour don de bienfaisance qui correspondra à la valeur de rachat (valeur marchande) de votre police.
  • Si la police n'est que partiellement libérée, vous obtiendrez également un reçu pour don correspondant à la valeur marchande et également de la valeur de vos primes annuelles à verser. 
  • Ces crédits pour dons peuvent être reportés sur les cinq (5) années à venir.
Troisième situation
  • Vous avez acquis une police d'assurance vie dont le capital-décès est payable au dernier décès (conjoint ou conjointe) et vous demeurez propriétaire et bénéficiaire de la police.
  • Vous léguez par testament le produit de ladite police d'assurance vie à la Fondation.
  • La Fondation de bienfaisance recevra le capital-décès et émettra au nom de la succession un reçu pour don de la valeur reçue. Ce crédit pour don peut venir réduire vos impôts jusqu'à 100% du revenu imposable et l'excédant peut également être appliqué sur l'année précédent votre décès.
Quelle que soit la modalité choisie, l'assurance vie est un outil privilégié pour un un don significatif sans appauvrir ses héritiers.

Exemple :

Mme Prévoyante, âgée de 35 ans, non-fumeuse, souhaite faire un don important à l'organisme de bienfaisance ou (Fondation de bienfaisance) qui lui tient à coeur.  Elle souscrit une nouvelle police d'assurance vie et en nomme cet organisme à la fois propriétaire et bénéficiaire.  A son décès, l'organisme recevra une somme de 50 000$. Le coût réel du don, après les économies d'impôts, ne sera que de 3420$.

  • Don à l'organisme (capital décès de la police).................   50 000,00$
  • Coût annuel de la prime (contrat de 10 ans)...................          600,00$
  • Crédits d'impôt (42,99% de la prime payée)..................          257,93$
  • Coût de la prime annuelle après impôts (600$ - 257,93$)        342,07$
  • Coût total du don après impôts (342,07$ X 10 ans) ....    3 420,70$

Me Claudia Côté, B.A., LL.L.
Directrice générale
Fondation Oratoire St-Joseph
Dir, Programme des dons planifiés
courriel : ccote@osj.qc.ca
www.saint-joseph.org