mercredi 11 mai 2011

L'article 760 C.c.Q. rend-il nul le legs fait à un témoin de la confection d'un testament olographe?

Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Cour supérieure, district de Joliette qui avait déclaré sans effet le legs universel dévolu à l'appelante aux termes du testament olographe de feue Mme Caisse pour les motifs qu'elle avait agit comme témoin à ce testament et ce, en vertu de l'article 760 C.c.Q. (Pépin c. Caisse, 2009 QCCA 1697, 500-09-018536-086)

L'article 760 stipule que : -   Le legs fait un témoin, même en surnombre, est sans effet, mais laisse subsister les autres dispositions du testament. Il en est de même, pour la partie qui excède sa rémunération, du legs fait en faveur du liquidateur ou d'un autre administrateur du bien d'autrui désigné au testament, s'il agit comme témoin.

Mme Caisse décède en janvier 2007.  Elle laisse un testament notarié daté du 23 octobre 1997 dans lequel elle lègue le résidu de ses biens à ses soeurs, les intimées.  En janvier 2007, alors hospitalisée, elle rédige de sa main un testament sur lequel figurent sa signature et celle de deux autres personnes, dont l'appelante, qui est désignée légataire universelle.

En mai 2007, l'appelante institue une procédure en vérification du testament de janvier 2007, à titre de testament olographe.  Les intimées contestent la demande alléguant que le testament est un faux, que la défunte n'était pas dans une condition physique lui permettant d'écrire et qu'il ne respecte pas les exigences du C.c.Q.. Le juge de première instance en arrive à la conclusion que l'article 760 C.c.Q. s'applique au testament olographe et déclare donc sans effet le legs dévolu à l'appelante.

Après une analyse rigoureuse de la jurisprudence sur cette question, l'honorable juge Bich souligne que deux thèses s'affontent relativement à l'interprétation de l'article 760 C.c.C.et que le juge de première instance a choisi l'une de ses thèses alors qu'elle a retenu l'autre. Il ne s'agit donc pas d'une erreur dans les motifs du jugement de première instance.

Suite à l'analyse du contexte du dossier, de l'historique législatif de l'article 760 C.c.Q. , des arguments de doctrines et aux règles d'interprétations des lois, etc.,  l'honorable juge Bich constate qu'il s'agit d'un problème d'interpétation qui n'est pas facilement à ressoudre. Elle est d'avis,

                   [...] la seule façon de résoudre le problème est de donner à l'article 760 C.c.Q. le sens qui est leplus compatible avec le fondement du chapitre que le Code civil du Québec consacre au testament, à savoir la primauté de la volonté du testateur, corollaire de la liberté de tester. Cette primauté, qui existait du reste en vertu du droit antérieur, doit être le principe interprétatif prééminent des dispositions législatives en la matière : en cas d'ambiguïté persistante, on doit donner à celles-ci, sans les dénaturer bien sûr, le sens qui favorise la validité ou l'efficacité des legs plutôt que leur invalidité ouleur inefficacité.

La juge Bich confirme que les dispositions relatives aux conditions de validité des testaments et des legs doivent être interprétées libéralement et les restrictions à la liberté de tester ou à la réalisation des volontés du testateur doivent être interprétées de façon limitative, afin de ne pas contrecarrer ces mêmes volontés.

De l'avis de la juge Bich,

                      La logique qui préside à l'inefficacité du legs au témoin du testament notarié ou devant témoins ne vaut pas pour le "témoin" du testament olographe.  Assujettir celui-ci à l'article 760 C.c.Q., en l'absence d'une manifestation explicite de pareille intention législative, équivaut à assujettir à une sorte de formalisme un testament que le législateur a pourtant délibérément placé hors du formalisme caractéristique du testament notarié ou devant témoins.

Le Tribunal précise que cela ne règle en rien l'issue du débat sur l'authenticité du testament et n'empêchera aucunement les intimées d'invoquer tout autre motif de nullité testamentaire.

En conclusion, le legs dévolu à l'appelante par le testament olographe de la défunte n'est pas assujetti à l'article 760 et a été déclaré efficace.  L'appel a donc été accueilli, sans frais, vu la nature du débat et le caractère conjoint de la procédure en première instance et la cause renvoyé à la Cour supérieure pour que reprenne le débat sur la vérification.




Me Claudia Côté, B.A., LL.L.
Avocate et conseillère juridique
claudiaccote@outlook.com

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