Qui d'entres nous n'a pas déjà entendu parler de conflits qui auraient pris naissance entre héritiers à l'ouverture d'une succession ? Peut-être même l'avez-vous vécu personnellement... Ces conflits mettent fin parfois définitivement aux relations familiales existantes. Il m'arrive de rencontrer des gens, qui planifiant leur successions, appréhendent de tels conlits et se demandent comment les éviter.
Dans l'affaire Sansfaçon (C.S. Québec 200-17-002923-02, 10 avril 2003), le défunt, ayant réfléchi à cette question, avait inséré dans son testament une clause d'arbitrage et médiation obligatoire pour le liquidateur et héritiers en cas de mésententes.
La clause stipulait :
7.1 Arbitrage obligatoire
S'il y avait un désaccord entre mon liquidateur successoral et un des héritiers ou entre héritiers, le différend sera obligatoirement soumis à l'arbitrage d'un arbitre unique ou d'un conseil d'arbitrage dont la décision sera finale et sans appel. En conséquence, les parties renoncent aux tribunaux, sauf pour injonction, pour arbitrer et régler leurs différends eu égard à ce testament et sauf pour faire homologuer la décision de l'arbitre ou du conseil arbitral le cas échéant.
Et, pour terminer ,M. Sansfaçon voulant persuader ses héritiers de l'obligation d'avoir recours au dit arbitrage, rédige au deuxième alinéa de cette clause la mention suivante,
7.1 (suite) Tous les legs, toutes les charges accordées aux présentes, le sont sous condition sine qua non de se soumettre aux dispositions relatives à l'arbitrage telles que stipulées à cet article.
Malgré cette clause, les demandeurs (héritiers) poursuivent la défenderesse (liquidatrice nommée au testament notarié) devant la Cour supérieure constestant son administration des biens et la reddition de compte.
Le procureur de la défenderesse plaide que le testament prévoit spécifiquement que, en cas de désaccord, les parties doivent obligatoirement procéder à un arbitrage selon les dispositions de l'article 7 du testament. L'avocate des demandeurs soutient que le Code civil du Québec encadre l'arbitrage à l'intérieur d'une convention, d'un contrat. En conséquence, il faut qu'une telle convention d'arbitrage intervienne entre les deux parties. Or, le testament est un acte juridique unilatéral.
Le juge devait donc soupeser le principe de la liberté de tester versus les limites imposées par la loi, à l'ordre public.
Citant le professeur Germain Brière, le juge rappelle "que la liberté de tester, d'origine britannique, a été introduite dans notre droit en 1774, qu'elle est demeurée pratiquement illimitée durant deux siècles et que les propositions tendant à la restreindre sont demeurées infructueuses jusqu'à 1989". Le Tribunal attire l'attention également sur l'article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12) qui stipule que "Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi."
Cependnat, depuis l'adoption du nouveau Code civil du Québec, le droit des successions s'est trouvé modifié avec l'institution du patrimoine familial qui peut avoir un impact important au décès d'une personne mariée et l'obligation alimentaire qui survit au décès du débiteur. La liberté de tester se trouve ainsi mise en échec.
Et, s'appuyant sur l'article 758 du Code civil du Québec qui stipule " la clause pénale ayant pour but d'empêcher l'héritier ou le légataire particulier de contester la validité de tout ou partie du testament est réputée non écrite", le juge est d'avis que la clause d'arbitrage imposée à des héritiers ne peut être incluse dans un testament.
Le juge Lesage conclut que "le pouvoir de recourir à l'arbitrage peut y être mentionné, tant pour le liquidateur, le fiduciaire ou les héritiers. Mais il s'agit que d'un pouvoir mentionné au testament d'avoir recours à un mode de règlement d'un différend prévu et reconnu par la loi. Il ne s'agit pas là d'une obligation sous peine de perdre ses droits d'héritier. À la base même de l'arbitrage est le droit d'une partie de consentir à renoncer à ses recours devant les tribunaux de droit commun.
Que doit-on en retenir de ce jugement ?
Bien qu'il est difficile de prévoir comment les gens peuvent réagir dans certaines situations inhabituelles, il est important de prendre le temps de bien choisir son liquidateur. Il est également suggéré d'informer ses héritiers du contenu de notre testament afin d'éviter les surprises et d'avoir du temps pour expliquer nos choix. Lors d'un décès d'un proche, les émotions et sentiments s'entremêlent et il devient plus difficile d'être rationnel.
Il est également bon de savoir que s'il advenait un conflit entres les héritiers, ou avec le liquidateur, la Cour supérieure offre des services de médiation.
Me Claudia Côté, B.A., LL.L.
Avocate et conseillère juridique
claudiaccote@outlook.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire