mercredi 12 octobre 2011

Attention aux stratagèmes : "acheter bas, donner haut"

La cour canadienne de l’impôt (ci-après « C.C.I. »), tribunal compétent en matière de litige fiscal au niveau fédéral, a été appelée à quelques reprises à se prononcer sur des stratagèmes visant à maximiser les avantages fiscaux de type « acheter bas, donner haut ». Ces stratagèmes faisaient en sorte que la valeur du reçu excédait le montant réellement versé par le donateur à l’organisme de bienfaisance. Dans certaines situations, l’existence même du don  a été remise en question.

L’affaire Morisset c. La Reine, 2007 CCI (CanLII) assez inusitée, en est un bel exemple.  

Dans cette affaire, Morisset interjetait appel à l’encontre d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national pour l’année d’imposition 2000.  Par cette cotisation, le Ministre lui refusait un crédit d’impôt réclamé pour deux prétendus dons de bienfaisance au montant total de 60 000$. Le Ministre lui imposait également une pénalité de 7 698$.

L’appelant prétendait avoir fait don de deux peaux d’ours polaire au Centre universitaire de recherche internationale (ci-après « CURI ») ayant chacune une juste valeur de 30 000$ tel qu’indiqué sur les deux reçus de charité émis par le CURI.

Lors de l’audience, l’appelant a témoigné qu’il avait accepté l’offre d’un représentant du CURI d’acheter les deux peaux d’ours polaire au prix de 10 000$ chacune.  Le représentant du CURI lui aurait également montré les certificats établissant la valeur de ces peaux d’ours à 30 000$ chacune.

Subsidiairement, l’appelant soutenait qu’il avait droit à tout le moins à un crédit d’impôt de 20 000$ pour le montant qu’il aurait versé au CURI pour l’achat de ces deux peaux d’ours.

De son côté, le Ministre prétendait qu’aucun don au CURI n’avait été fait. Il était d’avis que l’appelant avait plutôt acheté ces deux reçus pour un montant de 20 000$ et que par conséquent, la valeur marchande figurant aux reçus était nulle.

Après analyse de l’ensemble de la preuve, le juge Paris attirait l’attention d’abord sur le fait que l’appelant n’a présenté aucune preuve d’expert sur la valeur marchande des peaux d’ours polaires indiquée sur les reçus. Il affirmait :  « Même si j’acceptais le témoignage de l’appelant voulant que les coûts d’une chasse à l’ours polaire remonteraient à entre 25 000$ et 30 000$, ceci ne constitue pas une juste valeur marchande. Les coûts associés à l’obtention d’un bien ne sont pas pertinents à la détermination de la juste valeur marchande d’un bien, qui est le prix que l’on obtiendrait dans le marché pour sa disposition […] »

Après examen des livres comptables du CURI, le juge concluait qu’aucune preuve n’avait été établie démontrant le don, ni des peaux d’ours, ni de l’argent.

Le juge Paris rejeta l’appel puisque l’appelant n’avait pas réussi à rencontrer son fardeau de preuve. 

Par contre, pour ce qui est des pénalités, le fardeau de preuve repose sur le Ministre.  En l’espèce, le juge Paris était d’avis que le fardeau du Ministère n’avait pas été rencontré. Il annula donc les pénalités imposées à l’appelant faute, pour le Ministre, d’avoir réussi à démontrer l’existence du présumé stratagème, c’est-à-dire la "vente" de reçus de charité.  Bien que les registres du CURI étaient inadéquats et ne pouvaient démontrer le dépôt de 20 000$, le ministre n’avait pas démontré que l’appelant avait fait un faux énoncé dans sa déclaration lui permettant de lui imposer des pénalités.

En résumé, les tribunaux ne sont généralement pas favorables envers ce type de stratagème qui n'est pas le propre de l'intention de donner mais vise à réaliser un profit plutôt que de s'appauvrir. 

De ce principe le paragraphe 248(31) de la L.I.R. a été adopté sitpulant que le montant admissible d'un don correspond à l'excédent de la juste valeur marchande du bien qui fait l'objet du don sur le montant de l'avantage reçu.  Ce principe a été abordé dans ma capsule précédente du 5 octobre 2011 sur le don de bienfaisance par assurance-vie.  Il en est de même de la règle énoncée au paragraphe 248 (30) de la L.I.R. que le  transfert de bien donnant lieu à un montant d'un avantage ne suffit pas à rendre le transfert inadmissible à titre de don `a un donataire reconnu en autant que :
a) le montant de l'avantage n'excède pas 80% de la juste valeur marchande du bien transféré; ou
b) le cédant établit à la satisfaction du ministre que le transfert a été effectué dans l'intention de faire un don.

Tel que mentionné également dans mon article du 5 octobre dernier, d'une manière générale, la valeur marchande du don d'une police d'assurance-vie correspond à la valeur de rachat de la police.  Il peut arriver cependant, dans certaines situations particulières (par exemple, la santé précaire de l'assuré) que l'évaluation de la juste valeur marchande de la police sera supérieure à la valeur de rachat de ladite police. L'organisme émettra un reçu pour don égal à la valeur marchande de la police.  De son côté, le donateur sera réputé avoir reçu un produit de disposition égal à la valeur de rachat mois son "coût de base rajusté" .


* Pour vos projets philanthropiques, il est souvent utile de consulter un professionnel en matière fiscale si vous avez des doutes sur une propositon qui vous est offerte et ce, afin d'éviter des mauvaises surprises.


 Me Claudia Côté, LL.L.
Avocate et conseillère juridique
claudiaccote@outlook.com
 


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