mardi 31 mai 2011

Requête en vérification du testament.... qui devra être appelé ?

Dans l'affaire de la Succession de De Smet, Cour supérieure, 2009 QCCS 5152, Joseph De Smet demande la rétractation du jugement de vérification du testament devant témoins de feu son frère Marcel. 

Son seul autre frère survivant, Roger, oppose l'irrecevablité de cette demande pour trois motifs :
  1. Il ne possède pas l'intérêt juridique pour présenter sa requête;
  2. La requête est mal fondée en droit ;
  3. Le véhicule procédural emprunté est inapproprié.
Les faits

Marcel souffre d'une maladie chronique et réside avec son frère Roger.  En février 2007, Marcel est hospitalisé.  Roger procède à la rédaction du testament de Marcel, le lit et lui fait signé en présence de deux témoins.

Aux termes de ce testament, Marcel fait différents legs particuliers dont l'un en faveur de Roger et le désigne liquidateur.   Marcel décède en 2007 sans conjoint ni enfant.

Roger présente donc une requête en vérification du testament,  Il déclare que Marcel n'a aucun héritier ni successible connu devant être appelé à la vérification du testament étant donné que le testateur n'a institué aucun légataire universel résiduaire.  La requête n'est donc pas signifiée à son frère Joseph et le 16 octobre 2007, le testament de Marcel est déclaré par le Tribunal, vérifié.

Ce n'est que le 30 octobre 2008 que Joseph apprend l'existence du jugement puisqu'il en reçoit copie. Et, s'appuyant de l'art. 489 du Code de procédure civile qui permet, à toute personne dont les intérêts sont affectés par un jugement rendu dans une instance dont ni elle ni ses représentants n'ont été appelés, de présenter une demande en rétractation de jugement, il demande la rétractation dudit jugement.

La Cour devait donc déterminer si Joseph avait le droit d'être dûment appelé à la procédure en vérification et souligne la contreverse sur l'expression "héritiers et successibles connus" se trouvant à l'article 772 du Code civil du Québec.

Art. 772.    Le testament olographe ou devant témoins est vérifié, à la demande de tout intéressé, en la manière prescrite au Code de procédure civile.
                  Les héritiers et successibles connus doivent être appelés à la vérification du testament, sauf dispense du tribunal.

Dans son analyse, l'honorable juge Cullen, J.C.S. cite les auteurs Germain Brière et Jacques Beaulne, Droit des successions, 3e éd., revue et mise à jour J.Beaulne.

                "Appel des successibles et des héritiers connus. - Il est nécessaire que les héritiers et les successibles connus soient appelés à la vérification du testament, sauf dispense du tribunal (art. 772 al. 2 C.c.Q.). Cette règle a suscité passablement de difficultés d'interprétation. Certains auteurs et quelques jugements ont soutenu que l'expression s'étendait à tous les bénéficiaires du testament dont on recherche la vérification, quelle que soit la nature de leur legs - universel, à titre universel ou à titre particulier -, ainsi qu'à toutes les personnes que auraient hérité ab intestat si le défunt était décédé sans testament et même aux personnes désignées dans un testament antérieur révoqué. D'autres auteurs, appuyés par une jurisprudence qui nous semble mieux fondée - et les décisions les plus récentes semblent privilégier cette voie -, ont plutôt considéré que l'expression "héritiers et successibles connus" devait se limiter aux personnes désignées au testament comme légataires universels et à titre universel qui avaient accepté les droits découlant de ces dispositions, ainsi qu'aux successibles - c'est-à-dire ces mêmes légataires connus qui n'avaient pas encore manifesté leur option."

Et, après avoir examiné la jurisprudence, donc notamment l'affaire Almond (Succession de), B.E. 2000BE-438 (C.S.) , le Tribunal retient l'interprétation restrictive de cette expression, selon laquelle seuls les héritiers, c'est-à-dire, les personnes désignées au testament comme légataires universels et à titre universel et qui ont accepté les droits découlant de ces dispositions ainsi que ces mêmes légataires connus et qui n'ont pas encore manifesté leur option(successibles) doivent être appelés à la vérification.

N'était ni une héritier ni un successible, Joseph n'avait pas le droit d'être appelé à la procédure de vérification. 

Joseph ne possède donc pas l'intérêt juridique requis pour demander la rétractation du jugement de vérification du testament de Marcel.  De plus, il ne répond pas aux critères de l'article 489 du C.p.c. puisque ce jugement ne préjudicie pas ses droits.

Cependant, le juge Cullen, j.c.s. conclut que Joseph, en tant qu'héritier ab intestat potentiel des biens de Marcel, possède à ce titre l'intérêt juridique suffisant pour contester le testament par action pour demander l'annulation du testament devant témoins, en y présentant tous les moyens de contestation, y compris le défaut d'accomplissement des formalités essentielles à la validité du testament....

La requête en rétractation fut rejettée avec dépens.

* Ce jugement aura été utile (non pas pour le requérant qui s'est vu débouté sur une question de véhicule procédural....) pour mettre fin à une controverse sur l'interprétation de cet article.


Me Claudia Côté, B.A., LL.L.
Avocate et conseillère juridique
claudiaccote@outlook.com

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