jeudi 2 juin 2011

Frais de scolarité vs don à une école privée : Question de qualification

Les écoles privées font face à un marché très concurrentiel.  Certaines écoles offrent toutes sortes d'incitatifs tel que d'offrir un reçu pour don pour certains frais de scolarité qui seraient payables sur une base volontaire seulement.

La Cour canadienne de l'impôt a eu à maintes reprises l'occasion de trancher des litiges opposants le ministre du Revenu national et des contribuables pour le refus de reconnaître certains paiements faits à des écoles privées comme étant des dons et refusant d'accorder les crédits d'impôts réclamés.

Un don au sens légal et un don au sens fiscal : y a-t-il concordance ?

Au sens du droit civil, la donation est le contrat par lequel une personne, le donateur, transfert la propriété d'un bien à titre gratuit à une autre personne, le donataire (art. 1806 C.c.Q.) 

Dans la Loi de l'impôt sur le revenu, le terme "don" n'est pas défini. Dans l'affaire Woolner c. La Reine, 1997 CCI 194, la Cour canadienne d'impôt pour déterminer ce qu'est un don au sens fiscal examine   d'abord le Black's Law Dictionary (6e édition révisée) page 688 :

[TRADUCTION]  Don. "Cession volontaire d'un bien à une personne, effectuée à titre gracieux et sans contrepartie [...] En droit fiscal, un paiement est considéré comme un don s'il est effectué sans condition, par pure générosité et de façon désintéressée [...] au lieu d'être motivé par l'espoir d'en tirer des avantages de nature économique."

Et, poursuivant dans son analyse, la Cour cite le Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles  qui définit comme suit le terme "don" à la page 849 :

[TRADUCTION] "Transfert d'un coût de propriété sur une chose, volontairement et sans contrepartie." Une des caractéristiques essentielles d'un "don" est l'élément intentionnel appelé en droit romain animus donandi, soit l'intention libérale.  En d'autres termes, le donateur doit être conscient du fait qu'il ne recevra du donataire aucune contrepartie de sa contribution financière.  [je souligne]

Selon de nombreux jugements, l'absence d'obligation contractuelle n'a pas pour effet de transformer les paiements en dons.  C'est ce que la Cour d'appel fédérale a déclaré dans l'arrêt The Queen v. McBurneay, 85 D.T.C. 5433 (C.A.F.) Dans cette affaire, l'appelant soutenait que puisque l'école ne refusait pas l'inscription des élèves dont les parents ne pouvaient payés les frais de scolarité, son paiement constituait un don. 

Dans cette affaire, le juge Hamly, à la page 5436, conclut: "Je ne puis souscrire à l'argument selon lequel les paiements doivent être considérés comme des "dons parce que l'intimé n'aurait pas été juridiquement tenu de fournir une contribution.  Les paiements effectués par l'intimé et l'éducation de ses enfants selon ses principes allaient de pair.  Tous deux procédaient de l'obligation morale que se faisait l'intimé, en tant que père chrétien, d'assurer à ses enfants une éducation chrétienne et de payer en contrepartie, aux organismes exploitant les écoles concernées, des sommes conformes à leurs attentes et à ses moyens. Je suis d'avis que le Ministre a eu raison de refuser de considérer ces paiements comme des "dons." [..]

Ce même argument : " Le fait que les personnes incapables de payer ne sont pas exclues n'a pas d'incidence et ne transforme pas les paiements en dons" a été rejetté dans The Queen v. Zandstra, 74 DTC 6416.
Dans l'affaire Brar c. La Reine, 2004 CCI 759 ,  l'appelant en appelle d'une cotisation établie à son égard par le ministre du Revenu national pour l'année d'imposition 2000, qui rejetait la déduction d'un prétendu don de bienfaisance de 3 000$.  L'appelant soutenait qu'il avait fait ce don à la Weldon Park Academy au cours de cette année d'imposition.

M. Brar déclare qu'après quelques semaines suivant la réception de la facture entourant les frais de scolarité de son enfant , lui et son épouse décident de faire un don de 3 000$ en espèces à l'école, en plus du montant de 10 000$ représentant les frais de scolarité.

Le rapport de vérification de la vérificatrice du ministre contient ce qui suit :

[TRADUCTION] Le rajustement se rapporte au reçu pour don de bienfaisance émis par la Weldon Park Academy pour "contribution au fonds d'immobilisations ".  Comme l'indique le paragraphe 3 du bulletin d'interprétation IT-110R/, Dons et reçus officiels de dons, un don est un transfert volontaire de biens sans contrepartie de valeur ni avantage pour le donateur où toute personne désignée par lui en raison du transfert.  Nous avons établi que le "don" était un montant calculé par la Weldon Park Academy à l'égard duquel une partie des frais de scolarité avaient fait l'objet d'un reçu pour don. Il ne s'agissait pas d'un don volontaire. [...]"

Bien que la Weldon Park Academy avait émis à M. Brar un reçu pour don au montant de 3000$, Le juge McArthur adhère à la position du ministère et conclut que si l'argent a été versé, il ne l'a pas été volontairement. 

En l'espèce, une partie importante de la décision reposait sur la crédibilité de l'appelant et le juge, sceptique, n'a pas retenu sa prétention à l'effet qu'il avait versé en plus du 10 000$ un don volontaire de 3 000 $ à Weldon. Il ne pouvait en faire la preuve alléguant avoir versée cette somme comptant qui contredisait une déclaration à l'effet qu'il avait un budget stricte et qu'il était important que les frais ne dépassent pas 10 000$. Il prétendait que ladite somme de 3000$ provenait de fonds qu'il gardait comptant dans sa résidence.

La facturation de la Weldon Park Academy n'était pas limpide.  Aucun frais dit "à contribution volontaire" n'y était indiqué.

Ce qu'il faut retenir. Pour les dons faits à des écoles privés, la situation est particulière et l'Agence du revenu du Canada semble examiner de près les réclamations de crédits d'impôts sous ce chef.

Il doit être clair et non équivoque que le don a été fait sur une base volontaire.  Il sera également conseiller de faire des paiements distincts pour le don et pour les frais de scolarité. Il arrive souvent que la partie contribution volontaire soit indiquée à la facture parmis un nombre considérable de frais et que cela passe inaperçu pour le parent payeur.  Il sera alors difficile par la suite d'en réclamer les crédits d'impôts si nous ne pouvons démontrer avoir effectué le paiement volontairement.

Et, et les avantages que le don procure. Il ne faut pas perdre de vue l'article 248 (3) et ss. qui exige que l'avantage que l'on en retire suite au don doit être inférieur à 80% du montant du don.

La prudence est de mise afin d'éviter les mauvaises surprises.


Me Claudia Côté, B.A. , LL.L.
Avocate et conseillère juridique
claudiaccote@outlook.com

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