Une décision relativement récente retient mon attention.. Il s'agit de l'affaire M.L. c. Desjardins Sécurité Financière, 8 janvier 2009, rendue par l'honorable Gaétan Pelletier, Cour supérieure, district de Trois-Rivières. Dans cette affaire, la demanderesse est la bénéficiaire révocable d'une police d'assurance de 200 000 $ sur la vie du testateur souscrite auprès de la défenderesse, Desjardins Sécurité Financière. En août 2007, le testateur rédige un écrit quelques minutes avant de s'enlever la vie. Dans cet écrit, il demande à la demanderesse de rembourser certaines dettes totalisant 180 000 $ à même le produit de l'assurance-vie qui lui sera versé.
Les défendeurs et le mise en cause (créanciers) prétendent qu'aux termes de cet écrit, le défunt les a désignés comme bénéficiaires d'un montant de 180 000 $. Quant à la demanderesse, elle demande au Tribunal de confirmer qu'elle est la seule et unique bénéficiaire de cette assurance-vie puisque, d'une part, l'écrit sur lequel se fondent les défendeurs ne constitue pas une révocation de bénéficiaire et que, d'autre part, en tant que bénéficiaire, elle n'est pas tenue de payer des dettes de la succession.
Le Tribunal souligne d'abord que bien que cet écrit n'ait pas fait l'objet d'une requête en vérification, il peut quand même servir d'écrit suffisant pour désigner un ou des bénéficiaires selon l'article 2446 C.c.Q. pour autant que l'écrit provienne du défunt. La preuve est concluante à cet égard. Il constate ensuite que, dans le document en litige, le défunt prend le soin d'identifier la police d'assurance avec le nom de la compagnie qui l'a émise, le montant de l'assurance de même que le nom de la bénéficiaire révocable. Il en arrive à la conclusion que l'exclusion de la demanderesse comme bénéficiaire n'est pas évidente et que, dans ces circonstances, il faut rechercher l'intention du défunt. À cet égard, le Tribunal est d'avis que lorsque le défunt emploie le mot "rembourser", il fait une demande à la demanderesse et non à la compagnie d'assurance.. La demanderesse est donc toujours bénéficiaire.
Le Tribunal se demande ensuite si la demande de remboursement constitue une charge dont la demanderesse doit s'acquitter à titre de bénéficiaire. Bien que la somme assurée payable à un bénéficiaire n'entre pas dans la succession, il n'y pas de disposition législative empêchant le défunt de demander à la bénéficiaire de payer ces dettes. Il s'agit d'une obligation imposée à la demanderesse. Cette charge imposée à la demanderesse en fait donc une bénéficiaire partielle puisqu'elle ne peut conserver que 20 000$ sur les 200 000$ de l'assurance.
Le demanderesse a donc été déclarée bénéficiaire de la police à charge de payer les défendeurs et le mis en cause.
La demanderesse a interjetté appel et il fut rejeté 26 mars 2010 EYB 2010-171520.
Conclusion de la Cour d'appel : "L'interprétation de cette clause par le premier juge est raisonnable et sa décision n'est donc pas entachée d'une erreur manifeste et déterminante qui justifierait une intervention de cette Cour. "
Et, le juge Forget poursuit : " .... le premier juge retient plutôt l'imposition d'une charge à la bénéficiaire désignée à la police d'assurance tout en constatant que la révocation partielle de la bénéficiaire permettrait d'atteindre le même résultat"
Me Claudia Côté, B.A., LL.L.
Avocate et conseillère juridique
claudiaccote@outlook.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire