jeudi 19 mai 2011

La maladie réputée mortelle : Quand devient-elle un vice à la donation?

L'article 1820 stipule "la donation faite durant la maladie réputée mortelle du donateur, suivie ou non de son décès, est nulle comme faite à cause de mort si aucune circonstance n'aide à la valider.  [...]

Le 25 mai 2009, la Cour du Québec devait se prononcer sur une requête en annulation d'une donation de   40 000$ parce que faite durant la maladie réputée mortelle du donateur et pour cause d'ingratitude. 

Dans cette affaire (Alarie c. Seaton, EYB 2009-1627272), les demanderesses, filles du défunt, demandent l'annulation d'une donation de 40 000$ que ce dernier avait fait à la défenderesse, son ex-conjointe parce que fait durant sa maladie.

Pour bien comprendre la dynamique "familiale" examinons les faits mis en preuve.

Le défunt a fait la connaissance de la défenderesse alors qu'elle était âgée de 14 ans et lui de 50 ans.  En 1996, la défenderesse épouse le défunt.  En 2003, la défenderesse quitte le défunt.  C'est à cette même époque que le défunt reçoit un diagnostique de cancer de la prostate.  Pendant la période de séparation, les époux gardent contact et ils reprennent vie commune en 2005.  La défenderesse est alors enceinte d'un autre homme. Le défunt l'accueille malgré tout avec bonheur.

En août 2005, le défunt rédige son testament devant notaire par lequel il fait des legs à titre particulier à la défendereses en plus de la désigner légataire universelle résiduaire de ses biens.

Même s'il n'est pas le père biologique de l'enfant de la défenderesse, le défunt le reconnaît comme étant le sien. En juillet 2006, il fait un don de 40 000$ à la défenderesse. Le 11 octobre 2006, le défunt est admis à l'hôpital et se rapproche de ses deux filles biologiques, les demanderesses en l'espèce.

Le 28 octobre 2006, le défunt signe un autre testament, rédigé par son gendre, par lequel il lègue tous ses biens à ses enfants légitimes, les demanderesses. Il est décédé le 4 novembre 2006.

Le Tribunal analyse les critères développés par la jurisprudence et souligne qu'une maladie est réputée mortelle si la personne qui en est atteinte connaît la gravité de son état et qu'elle procède à l'acte de donation en raison même de cette fin prochaine.

Le juge Lachapelle souligne : "La maladie n'est réputée mortelle que si la mort est objectivement imminente aux yeux du donateur, que le donateur est "à un trait de la mort" et qu'il en a connaissance." 

Il précise que la jurisprudence et la doctrine invitent à une interprétation restrictive. La capacité est présumée et l'incapacité est l'exception. 

Le Tribunal conclut que le donateur était assurément gravement malade mais qu'il n'était pas hospitalisé et que sa mort n'était pas imminente.  Il attire l'attention sur le fait également que la preuve fait ressortir certaines circonstances permettant de valider la donation.

Sur les motifs d'annulation pour cause d'ingratitude de la défenderesse, le Tribunal n'a pas retenu cette position. Il précise que la preuve n'a pas été faite de l'existence d'une intention  malveillante de la part de la donataire. 

La défenderesse de son côté demandait l'annulation du testament daté du 28 octobre 2006.  Le Tribunal ne s'est pas prononcé puisque les demanderesses ont admis à l'audition que le document n'avait pas la valeur d'un testament.


Me Claudia Côté, B.A., LL.L.
Avocate et conseillère juridique
claudiaccote@outlook.com

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